Le Jungfraujoch n’est pas tellement connu pour ses voies de mixte et pourtant c’est un très joli terrain de jeu. Un cadre sauvage, des lignes peu équipées, l’aventure est garantie et en plus vous risquez bien d’être seuls! Retour sur une belle découverte.

Le projet initial était d’aller à la voie Lauper au Mönch. Au vue de la météo de ce premier week-end de mai, il a fallu changer de plan. En feuilletant les topos, notamment celui de Simon Chatelan, l’idée et l’envie me viennent d’aller jeter un coup d’oeil dans les voies de la face nord du Jungfraujoch.

Les conditions ne sont pas optimales mais Giuliano est toujours prêt à vivre de nouvelles aventures plutôt que de se tourner les pouces dans son canapé. Nous nous donnons donc rendez-vous à Grindelwald pour attraper les premières cabines et le premier train. Si les conditions nous permettent de grimper assez rapidement notre escapade passera à la journée et nous redescendrons en train, sinon il y a toujours la cabane du Mönch pour nous accueillir chaleureusement.

En arrivant à Grindelwald, j’ai un bon gros doute. Il a plu, les sommets sont dans les nuages, mon plan ne s’annonce pas sous son meilleur jour… Heureusement Giuliano est là et sa motivation me redonne un coup de pied aux fesses. Allons voir!

En sortant du train, le ciel s’ouvre, il fait assez frais et le soleil nous met du baume au coeur, rien que pour ça nous avons bien fait de monter. On s’équipe au chaud et c’est parti!

Depuis le Mönchplateau il faut marcher trois minutes pour deviner le Chouia Couloir. Le premier rappel en rive gauche s’atteint facilement dans de la bonne neige. Finalement notre sortie commence assez bien. Les quatre premiers rappels s’enchainent bien. Les relais sont plutôt bons (un vieux spit et un plus récent, cordelettes à changer dans quelques cas). Nous n’avons par trouvé deux rappels, sans doute à cause de la neige.

Dans ce cas un petit corps-mort permet de continuer la descente et de préparer la remontée.

C’est béton!

L’avantage de descendre d’abord dans la voie puis de remonter par le même itinéraire c’est de pouvoir anticiper les passages plus ou moins compliqués.

Au premier abord, pas de gros problèmes visibles, quelques sections plus sèches que normal mais dans l’ensemble ça devrait passer!

Finalement la descente nous aura pris une heure de plus que prévu dans le topo. La recherche de relais cachés sous la neige, un coincement de cordes et la préparation des ancrages prennent du temps.

Si les conditions avaient été excellentes ça aurait pu passer à la journée.

Mais étant donné les passages observés à la descente, je préfère anticiper et appeler la cabane pour réserver la nuit, un bon repas chaud et éviter de grimper dans le stress du train à pas louper.

Les premières longueurs sont un rêve. Une neige polystyrène, de la glace tendre, on voudrait que cela continue jusqu’en haut! La suite du couloir se passe sans problème. Un goulet s’est formé avec les petites coulées qui sont descendues ces derniers jours, se qui le rend agréable et facile à remonter. Pas de gros brassages, ouf!

Plus on remonte plus les petits passages mixtes se font nombreux. Le second passage est bien bouché par une neige poudreuse inconsistante. Il va falloir s’employer pour pouvoir passer et protéger un minimum. Pendant le descente on avait laissé une petite cordelette au cas où c’était compliqué mais elle a été un peu courte… il a fallu faire sans.

La suite se passe bien dans de la glace très fine puis dans un sorbet bien humide mais relativement solide. Le timing est en encore pas trop mal même si le dernier train risque d’être difficile à choper.

On arrive à l’avant-dernière longueur. Et là les choses se gâtent. La neige inconsistante ne tient pas sur de petites dalles friables et les possibilités de placer des protection est quasi nulle.

Il va falloir serrer les fesses et progresser tranquillement. Il manque un Chouia de neige et de glace…

Pour me faciliter la tâche la longueur fait 60 mètres. Le poids de la corde ne m’aide pas vraiment dans mes pas d’équilibre. Cette fois c’est sûr, on a loupé le dernier train, surtout que la dernière longueur nous réserve encore du fil à retordre.

La dernière longueur est plus sèche mais ça protège mieux

Finalement on atteindra le bâtiment du Jungfraujoch à 19h, sous la neige. Après 50 minutes de marche nous sommes bien content de nous mettre au chaud dans la cabane et de pouvoir boire et manger correctement.

Bilan de cette aventure dans le Chouia Couloir:

  • la voie se déroule dans un très beau cadre sauvage, on ne voit rien du Jungfraujoch et quasiment pas la Kleine Scheidegg
  • il faut s’assurer que le risque d’avalanche est faible car c’est un vrai entonnoir
  • seuls les relais sont équipés et dans le cas où ils sont cachés prévoir de quoi faire des ancrages dans la neige
  • en conditions sèches la voie est assez technique, M4, prévoir un jeu de Friends, un set de stoppers, évt quelques pitons et 3-4 vis courtes. Cordes à double 60 mètres.

Vivement de retourner dans le coin par meilleures conditions pour tester les voisines!!