Les conditions de cascade de glace en Norvège cette année ont été incroyables. Voici le récit de notre traversée du sud de la Norvège, de Oslo à Bergen en passant par Rjukan, Eidfjord et Gudvangen.
Parfois dans la vie il faut oser se lancer, faire les choses au culot. Quand la chance s’en mêle, le mélange donne naissance à des moments d’exception. Ce voyage en Norvège en est un bel exemple.
Il y a quatre ans j’avais déjà prévu un voyage pour grimper des cascades dans la région de Bergen avec un ami mais une semaine avant de partir, un coup de chaud et la pluie avaient anéanti toute cascade dans le sud de la Norvège. On s’était rabattu sur Tromsø.
L’automne passé, au moment de choisir la destination de cet hiver, mon coeur balance. Je vise le nord avec plus de chance de trouver de la glace et en plus je connais déjà quelques coins ou alors je tente à nouveau le sud que je ne connais pas et où il y a des années sans glace?
Soyons fous, Giuliano me laisse carte blanche et me fais confiance. Nous avons déjà vécu quelques belles ascensions ensemble. Cette année il est en forme, au pire on pourra bricoler dans du mixte, le garçon est facile à vivre et aime les aventures et les défis: partons au sud!
Le plan est tracé. On volera sur Oslo. De là en voiture on traversera le sud de la Norvège en passant par Rjukan et Eidfjord pour finir à Bergen. Pour organiser la logistique et les logements, je fais appel une toute jeune agence de voyage locale (Up Norway) recommandée par un ami norvégien qui connait sa fondatrice. Torunn Tronsvang et son équipe ont parfaitement su trouver les logements et les restaurants qu’il nous fallait aux différentes étapes de notre voyage. Un vrai régal et une disponibilité de tous les instants, un énorme merci à eux!
Les deux premiers jours de notre « Icetrip » se passent à Rjukan; petite village à trois heures de route à l’ouest d’Oslo a été un important centre industriel, qui a été fondé au début du 20ème siècle. En 1934 une centrale électrique y a été construite, l’usine hydro-électrique de Vemork qui était à l’époque la plus importante du monde. Pendant la deuxième guerre mondiale elle a été un des enjeux de la bataille de l’eau lourde. La production d’eau lourde fut arrêtée en 1971. Aujourd’hui, lieu touristique, Rjukan attire par ces cascades d’eau et de glace, son musée (Norwegian Industrial Workers Museum) et sa nature.
Après avoir avalé le plus rapidement possible les 170 kilomètres de route enneigées et gelées entre Oslo et Rjukan, nous pouvons déguster les spécialités raffinées du très recommandable Rjukan Admini, un charmant établissement du village.
Nous passons nos deux premières nuits norvégiennes dans un petit hostel très sympa à Rjukan, Old School Hostel. Plein de grimpeurs, des infos, un sauna, une cuisine en commun, un séchoir et la seule petite chambre pour deux personnes de la maison; le reste des résidents dorment dans des grands dortoirs.
L’organisation à la bonne franquette de l’Old School Hostel
Pour se rendre dans les différents secteurs que propose Rjukan, la voiture est indispensable. Un topo, bien fait, existe et permet de trouver les secteurs facilement, en contrepartie, il y a du monde mais tellement de lignes que l’on s’arrange toujours pour grimper sans se prendre trop de glaçons sur la tête, n’est-ce pas Giuliano? En deux jours nous aurons pu parcourir une grande partie des belles voies du coin. Jamais très longues celles-ci nous préparent néanmoins parfaitement pour la suite du programme. De la moulinette pour débutants, des lignes de mixte ou de dry, de belles longueurs, de la glace jaune-brune il y a de quoi satisfaire tout le monde à Rjukan.
Giuliano s’échauffe dans la première longueur de Lipton à Rjukan
Une idée de la neige cette année à Rjukan, au fond: Juvsøyla
Quelques lignes incontournables à faire absolument à Rjukan:
Secteur Ozzimosis: Ozzimosis, Wi4
Secteur Rjukan centre: quelques cascades sont illuminées la nuit comme Fabrikfossen Wi2-4. Il est donc possible de grimper en fin de journée et même de nuit!
Secteur Vemork Bridge: beaucoup de voies entre le Wi4 et Wi5
Secteur Upper Gorge: Sabotørfossen Wi5, Juvsøyla Wi 5-6, Lipton Wi 6-7, Rjukanfossen Wi4
Secteur Krokan: pleins de lignes de moulinettes de tout niveau, mixte, attention au monde, mieux vaut y aller en milieu d’après-midi (5 minutes d’approche)
Nos deux jours de prise de contact terminés, pour prenons le volant à l’aube pour traverser le sud de la Norvège jusqu’à Eidfjord. Le trajet s’allonge un peu grâce à notre GPS et une route bloquée par la neige. Cependant cette journée de repos est bienvenue et nous permet de traverser de magnifiques paysages parfois arctiques, parfois lunaires, de découvrir quelques stations de ski norvégiennes, notamment Geilo et de comprendre que le ski de fond est vraiment le sport national dans ce beau pays.
Pic-nic typiquement norvégien durant la traversée Rjukan-Eidfjord
Avec la neige de cet hiver les norvégiens ont sorti les gros moyens
La dernière partie de notre trajet se passe sur un énorme plateau dominant les fjords, où l’on trouve le parc national de Hardangervidda.
État des routes: bon
En milieu d’après-midi nous entamons la descente qui va nous faire passer de 1100 mètres à 0 mètre d’altitude. En suivant la route, qui grâce à de tortueux tunnels nous fait gagner le village d’Eidfjord nous commençons à découvrir le potentiel en terme de cascade de glace des alentours. On s’arrête tout le temps, on jumelle, on prend des photos. En effet désormais nous n’avons plus de topos. Les ascensions vont se faire à vue d’où l’utilité des repérages et des jumelles. Nous avons l’embarras du choix, de la glace il y en a partout, un vrai paradis de glaciériste.
Ambiance dans la vallée de Måbødalen
Cette année nous avons vraiment de la chance. Il a fait froid mais progressivement et pas trop intensément ce qui a permis à de très nombreuses cascades de se former.
Après avoir parcouru les deux principales vallées qui mènent à Eidfjord nous découvrons le logement où nous allons passé quatre jours. Torunn de Up Norway nous a dégoté un bijou. « A house for my mother ». Habituellement la propriétaire est présente mais cette fois elle est en voyage et nous jouissons donc de l’entier de la demeure pour nous. Un vrai plaisir que de rentrer après des longues journées froides dans ce joli cocon douillet et chaud. Apéro, souper à l’italienne grâce à Giuliano et réveil bien matinal pour gravir des lignes majeures rapidement accessibles en voiture.
Un vrai coin de paradis dominant Eidfjord, a House for my Mother
La vue depuis la salon
Sur quatre jours d’escalade nous ne croiserons que deux cordées et ce uniquement le premier jour. Des cascades entre 200 et 600 mètres de haut, quelques longueurs au soleil, toute sorte de glace mais jamais cassante.
À Eidfjord il y a deux vallées principales où l’on peut grimper. La vallée de Måbødalen qui mène aux célèbres chutes de Vøringfossen. Ici la plupart des cascades sont orientées sud donc il est préférable d’y grimper des jours sans soleil. Celui-ci chauffe effectivement fort ce qui rend des passages délicats et les glaçons pendant au sommet des cascades trop menaçants. Heureusement le lendemain de notre arrivée, le temps est couvert, ce qui nous permet de grimper six belles longueurs dans un cadre bien austère mais ô combien fabuleux.
Ambiance dans la troisième longueur
Un beau potentiel quand le temps est couvert, nous grimpons la ligne de gauche
En face nord de cette vallée il y a également quelques lignes de cette fameuse glace brune claire mais faute de temps nous n’aurons fait que les jumeler.
L’autre vallée, plus proche de Eidfjord où se trouve le petit hameau de Hjølmo, recèle de vrais bijoux en rive droite et gauche. Une cascade connue s’y trouve: « Fjåne Fossenin vain » ouverte par Guy Lacelle.
Nous grimperons deux lignes dans cette vallée.
La première orientée sud-ouest nous voit partir bien emmitouflés. Il fait pas loin de -10° en sortant de la voiture. Au fur et à mesure que l’on s’élève dans la cascade, le soleil descend vers nous. Le moment où nous sortons du côté obscur de la cascade pour passer dans la phase ensoleillée de l’ascension est magique. Plus besoin de gants ni bonnet, on tombe même la veste!
Nous grimperons la ligne de gauche
Giuliano est heureux de sortir au soleil
Le lendemain nous nous lançons dans la plus longue voie du séjour. Une ligne de 600 mètres, entre goulotte et cascade technique, un peu de soleil au milieu pour nous réchauffer. Une très belle aventure.
L’instant soleil
Samedi c’est déjà notre dernier jour d’escalade. Ayant repéré de belles cascades dans la vallée de Rasdalen nous quittons tôt Eidfjord en direction de Bergen. Malheureusement il y a en tout cas deux vallées de Rasdalen en Norvège et celle où nous nous rendons n’est pas la bonne. Heureusement je trouve rapidement un plan B. Nous allons faire la première partie de la mythique cascade Fosslimonster, Wi6+ près de Gudvangen. Cette cascade ouverte en 2009 par Robert Jasper et Roger Schäli est présentée comme une des plus belle et longue cascade au monde. Nous gravissons les quatre premières longueurs de 60m chacune de cet itinéraire grandiose de 600m. Voilà de quoi finir notre séjour en beauté.
Fosslimonster
Giuliano en termine avec la troisième longueur
Fourbus mais heureux nous arrivons à Bergen en début de soirée. Torunn avait une fois de plus bien prévu le coup. Elle nous a réservé une table chez Lysverket. Un restaurant situé dans le beau musée KODE de Bergen. Son jeune chef a inventé la cuisine néo-fjordijque, un must alliant des produits toujours locaux et bio venant de paysans ou pêcheurs norvégiens. Un menu dégustation en cinq plats nous fait découvrir des spécialités étonnantes et savoureuses.
Bergen
Le lendemain le buffet gargantuesque du Zander K Hotel pour permet de faire le voyage du retour le ventre plein et le sourire aux lèvres.
Une totale réussite qui nous donne déjà envie de repartir!!
En 2019, avec Giuliano, il y a bien des chances pour que l’on aille goûter la glace canadienne! Ça vous tente?