Dans la vie, il y a parfois des passages obligatoires. Des rites initiatiques qui changent notre manière de voir les choses. Dans l’existence de tout glaciériste qui se respecte, un tour dans l’est canadien fait partie des incontournables qu’il faut se donner les moyens de vivre.
Il y a vingt ans, Stéphane Lapierre et Bernard Gagnon sortaient un gros topo de cinq cent pages, Guides des cascades de glace et voies mixtes du Québec. Depuis de nombreuses mises à jour complètent cette bible et facilitent la découverte de ce magnifique patrimoine que nous offre le Québec. C’est ainsi que j’ai découvert la fameuse Pomme d’Or. Une ligne mondialement connue. À l’époque je m’étais dit, un jour peut-être, j’irai là-bas, mais ça faisait peur…


Les années ont passé, on a pris du galon et en février, avec Giuliano, on s’envole pour Montréal. De là une voiture est obligatoire pour découvrir le pays.
Nous commençons notre exploration en nous arrêtant à Pont-Rouge. Le fameux Festiglace vient de se terminer, on est donc tranquille pour découvrir quelques-une de ces belles lignes qui bordent la rivière Jacques Cartier. Vers midi les températures prennent l’ascenseur et nous la poudre d’escampette avant de finir en galette.





Nous reprenons le route pour le nord et le Parc des Hautes Gorges.
Il y a une dizaine d’années la route s’arrêtait vingt kilomètres plus tôt. Ce qui rendait les escalades dans le parc bien plus exigeantes. Aujourd’hui c’est le luxe. Nous avons pu loué un petit chalet juste avant l’entrée du parc. De là, la route nous amène au barrage des Érables. Du parking, une heure de marche donne accès à la Pomme, la Loutre et bien d’autres cascades.



Pour se mettre dans le bain, nous commençons par grimper le Triolet. Un panneau puis des flèches sur les arbres nous permettent de trouver le pied de la cascade facilement. La trace est tapée comme ils disent donc même pas besoin de raquettes. Nous descendrons en ski-bottine ou en rutchant, comme on dit.




Le lendemain direction la fameuse Pomme d’Or. Une heure de marche en tirant une luge-pulka avec les sacs sur la rivière Malbaie gelée. C’est très efficace et moins pénible que de porter le poids sur les épaules.
Un système de communication a été mis en place à l’entrée du parc pour éviter des embouteillages dans les cascades. Un tableau est à disposition pour annoncer les escalades de chaque cordée, ainsi on peut changer d’objectif si quelqu’un est déjà parti dans votre projet, il y a assez de belles voies à grimper!!
Nous sommes seuls, durant trois cent mètres, la glace caramel est parfaite, ni trop froide, ni trop humide. Les piolets grincent de plaisir.




Ayant pris une variante plus directe à partir de L5, il nous faudra quand même sept heures pour atteindre le sommet. Une petite tempête nous cueille en descendant. Vent et neige de face rendent le retour plus pénible que prévu.
Il nous reste encore deux jours dans le parc. Nous grimperons encore Hystérie collective, avec un fort vent d’ouest, à éviter. C’est le jour où nous aurons le plus froid. -16° au thermomètre, -27° avec le refroidissement éolien…




Malgré le froid, la ligne est superbe et vaut le détour. Attention, la dernière longueur est vraiment raide et peut demander beaucoup de temps pour trouver un passage.
Pour terminer nous gravirons encore le Malade imaginaire. Une ligne rarement formée, dans une ambiance “montagne”. Glace fine, raide, mixte, pente en neige et descente de nuit. De quoi finir en beauté ce premier bout de trip et profiter de quelques jours de repos.





Un grimpeur de Québec, Yann Mongrain, nous invite chez lui pour une nuit. Super moment, en buvant quelques bonnes bières, il nous montre de belles photos et sème de petites graines pour de nouvelles aventures à venir. Un accueil simple, chaleureux et authentique. Des petits tuyaux pour la suite de notre séjour et pleins d’idées pour ces prochaines années. MERCI!!!
On reprend la route, direction Sept-Iles. Sur conseil de Yann, justement, on s’arrête au Cap à l’Aigle. Dans le topo, juste une petite description, pas de photos, donc si on t’en parle pas, tu t’arrêtes pas.
Le lieu est magique. On grimpe sur la plage, avec les vagues et les odeurs d’algues. Les lignes font 30-40m, expérience unique pour nous, grimpeurs européens.






Nous passons la nuit à l’auberge “Pour un instant“. Merci Loulou pour cette belle découverte. Petit jacuzzi dans la neige, ambiance chaleureuse, chambres spacieuses et confortables et petit-déjeuner généreux. Une petite boutique permet de découvrir des produits locaux et les propriétaires organisent de nombreux concerts. Faites-y un tour!!
En faisant cet arrêt il nous reste quand même encore sept heures de route jusqu’à Sept-Iles. Route que nous ferons dans la tempête.
Finalement nous y voilà. Le chalet est charmant et de belles lignes nous attendent. Après toutes ces heures de conduite, se dégourdir les jambes fait du bien.
On remonte la rivière Sainte-Marguerite sur huit kilomètres, toujours avec le mode luge-pulka, vraiment très efficace à plat. Au bout de deux heures de marche on arrive devant un mur de 200 mètres de haut, orienté est. On y trouve beaucoup de lignes, souvent dures mais pas que. Ce jour-ci, nous grimperons Le Mulot. Superbe formation avec une jolie petite douche au milieu qui gèlera quelque peu notre équipement.












Le lendemain nous avions prévu de grimper le Pilier Simon-Proulx mais finalement un pneu crevé, un excès de vitesse et 5 heures de route plus tard, nous louons un Ski-doo et allons faire les débiles dans la neige. En fait, ce repos a été très bénéfique et nous a permit de dompter notre monture.
Après une courte nuit, un réveil à quatre heures nous montons sur notre moto-neige et remontons la rivière. Ce qui nous prit 2 heures il y a deux jours, s’avale en huit minutes…









Giuliano attaque la première longueur avec le lever du soleil. De nouveau seuls, nous passons une très belle matinée. Mais la journée n’est de loin pas finie. Nous devons rendre la moto-neige, faire deux heures trente de voiture, prendre un traversier pour franchir le fleuve Saint-Laurent et faire encore deux heures trente de route jusqu’à Mont Saint-Pierre en Gaspésie.
Un arrêt à “la Fabrique“ à Matane, nous donnera l’énergie pour la dernière étape de cette très longue journée. Un choix de bières époustouflant, le Québec regorge de microbrasseries, ici on trouve de très beaux exemples de la richesse de leur production. Des menus simples mais très savoureux, notamment burger et fish&chips.

Le réveil se fait en douceur après cette longue journée. Heureusement en Gaspésie, dernière étape de notre trip, les approches sont plutôt courtes. Finie la glace brune, on retrouve ici des lignes plus courtes, très sculptées et en glace bleue.



On nous a conseillé trois cascades incontournables à grimper dans le coin.
La chance ne nous quittera pas. Les trois lignes sont en conditions et finirons d’achever nos bras fatigués.
Corneille est la première cascade que nous grimperons. Elle domine la mer. Trois longueurs de pétales, tunnels, dévers, choux-fleurs et chandelles. On y trouve de tout, bercés par le clapotis des vagues, un must!!






Au-dessus du lac de l’Anse pleureuse, se trouve l’Épée de Jade, autre très joli morceau de la région avec une approche un peu plus longue où les raquettes sont indispensables.


En partant nous irons planter nos piolets dans Méduse, pas d’approche, c’est au bord de la route. C’est court, 40m. mais c’est très beau et très raide.

Fourbus nous reprenons la route jusqu’à Rimouski. Un arrêt chez Loulou nous permet de couper le trajet du retour pour éviter de faire neuf heures d’un coup et goûter la fameuse “Tire d’érable”.
Au final nous aurons grimpé douze jours sur les seize sur place, roulé 4000 kilomètres et gravi 2000 mètres de cascades.

Une magnifique découverte qui nous a vraiment donner envie de revenir.