La quête de glace exotique a commencé il y a cinq ans avec Giuliano. En 2018, j’avais proposé de découvrir la Norvège. En 2021 nous sommes partis dans les Rocheuses canadiennes et cette année Giuliano a voulu découvrir l’Alaska. Eh bien nous n’avons pas été déçus!! Par contre, s’il est des voyages où rien ne se passe comme prévu, celui-ci atteint un niveau bien élevé d’improvisation, d’adaptation et d’ouverture d’esprit pour pouvoir profiter d’un trip délirant et hors norme.
Autant la Norvège et le Canada sont des destinations plutôt classiques pour aller taper du glaçon, autant l’Alaska reste une terre sauvage qui garde bien ses petits secrets et les innombrables « tricks » pour pouvoir atteindre ses objectifs.
Quand j’ai commencé à organiser ce voyage, je ne m’étais pas tout de suite rendu compte de cet aspect. J’ai assez rapidement trouvé un topo, tout fraichement édité qui donne un très bel aperçu du joli potentiel qu’offre cette terre polaire. Cependant, en lisant plus attentivement les descriptions, je me rends compte que les approches ne vont pas toujours être simples et rapides. Je me dis, ça sera l’aventure, on verra bien, les plans A, B et C sont nombreux, il y aura toujours une solution! Je ne pensais pas si bien dire…
Mais avant de me lancer dans le récit de ces trois semaines, je dois tirer mon chapeau à Giuliano.
On se connais depuis 9 ans maintenant. Comme je l’ai dit, nous avons déjà fait quelques mètres d’escalade ensemble et visiter deux trois pays mais cette fois-ci il aurait pu me dire, qu’il n’était pas satisfait, qu’il était venu faire de la glace et pas des délires d’explorateurs. Eh bien non, au contraire, il en a rajouté des couches et s’est mis à l’unisson avec toutes les problématiques qu’il a fallu résoudre de manière à profiter pleinement de chaque délire sans aucun apriori. Par ces quelques lignes, je tiens à le remercier encore une fois pour sa générosité, sa simplicité et tous ses bons petits plats!
Quand tu débarques à 1h30 du matin devant la porte d’immeuble de ton Airbnb et que le code ne fonctionne pas, tu te dis que le voyage ne commence pas très bien. Finalement la porte s’ouvrira dans l’après-midi et nous passerons la nuit sur le pallier dans nos sacs de couchage, oups… Autant dire que la nuit fut courte et pas très bonne. Pas de grasse matinée mais plutôt un petit déjeuner très matinal et on commence les repérages.
Anchorage se situe dans le fond d’une grande baie du Golfe d’Alaska au nord du Pacifique nord. C’est là que nous sommes arrivés et resterons pour la première semaine de notre séjour. Dans le topo, un secteur me semblait idéal pour se mettre dans le bain. Seward Highway. Les cascades bordent la route, des lignes de glace pure, du mixte et tout ça depuis la voiture. Sounds good! Malheureusement arrivés sur place, l’eau s’écoule à flot et il n’y a pas la moindre trace de glaçon dans le coin.
Le lendemain, on part pour les Glen Alps, sorte de préalpes locales. Cette fois-ci il faut marcher et faire la trace, dans le vent et sous la neige. 2h30 de marche plus tard, arrivés dans le fond du cirque qui offrait de jolies possibilités d’escalade, pas un gramme de glace… mais que se passe-t-il? Sommes-nous maudits? Il faut trouver autre chose.
On décide de remonter un peu au nord, il y fait peut-être plus froid! Bingo! Le secteur s’appelle Eklutna Canyon. L’approche est courte, la rivière partiellement gelée et cette fois on trouve quelques bouts de glaçons. On peut enfin tirer sur les bras, ça fait du bien mais on cherchait quand même quelque chose d’un peu plus excitant. Et là l’improvisation et l’aventure commence.
Dans la région de Palmer, à une heure d’Anchorage on trouve une vallée un peu perdue. Une route y mène, au bout de la route un lac, après le lac un glacier et entre les deux il devrait y avoir des cascades de glace. Le problème c’est pour atteindre le bout du lac. Vingt kilomètres de pistes avec des vieilles traces de quad gelées et profondes. On décide donc de louer des Fatbike électriques avec des pneus cloutés. On mettra les skis sur le sac à dos pour le bout final. Chargés comme des mules, nous partons. On se sent invincibles, malheureusement après 6 miles, une trentaine de chutes, en sueur, on décide de faire demi-tour. Encore un but, nous avons fait à peine la moitié du trajet et mangé la moitié de la batterie donc si on ne veut pas se retrouver à pousser le vélo toute la nuit pour regagner la voiture autant battre en retraite avant qu’il ne soit trop tard.
Mais nous avons la tête dure. De retour à la voiture, on cherche une autre solution. Nous y voilà! Une motoneige! Aussitôt dis, aussitôt fait! On enfile les vélo dans le coffre et on loue une motoneige, livrée avec remorque.
En Alaska louer ce genre d’engin, c’est un jeu d’enfants et chez Alaska Toy Rental, un large choix de joujoux et un service irréprochable. Une heure plus tard, on a rendu les vélos et on prépare les affaires pour la prochaine tentative.
On démarre de nuit, phares, frontales, emmitouflés comme des Inuits. Au début tout se passe bien, on découvre la machine, en douceur. Et plus on avance, plus ça devient compliqué. Les traces de quad ont bien gelé pendant la nuit, la conduite se complique et on commence à se retourner. Finalement c’est vraiment sportif la conduite de ces engins. Il nous faudra presque trois heures pour effectuer les 20km qui nous sépare des premières cascades. Et malgré tous nos efforts, les premières lignes ne sont pas en conditions. Au fond de la vallée, il y a bien quelques lignes qui semblent grimpables mais elles sont trop loin et nous sommes trop tard… On reviendra peut-être! Il y a la possibilité de dormir dans une petite cabane rustique, ça pourrait être la meilleure solution.
Après toutes ces aventures et le peu de succès rencontré, nous partons pour Valdez. Cinq heures de route, un crochet un peu plus au nord, à l’écart de l’Océan nous montre une facette bien plus froide et sauvage de ce que l’Alaska peut offrir. En route on profite de grimper Kid’s Corner, une grande classique, facile qui permet de couper la route en deux.
Pour accéder à Valdez on doit quitter les plateaux glacés par le Thompson Pass. Haut lieu du ski de rando et de la motoneige, ce coin offre de belles possibilités de tours à ski avec une approche minime. Une fois le col descendu on rentre dans une gorge, Keystone canyon. C’est là que l’on trouve une grande partie des classiques de la région. Malheureusement en descendant, on découvre que la plupart des lignes sont très humides. Les prévisions annoncent une baisse des températures mais il va falloir patienter un peu.
Le lendemain de notre arrivée, le temps est radieux. On en profite pour faire un tour à ski au Thompson Pass et on laisse encore un jour le froid faire son travail. En randonnant on découvre comment les locaux occupent leur temps libre. En fait ce que l’on fait en ski, eux le font en motoneige, malade!!!
Et pour une fois, notre plan fonctionne! La glace se forme à une vitesse folle. Les cascades grossissent à vue d’oeil. Enfin on va pouvoir grimper pour de vrai! Reste un détail à régler. Comment traverser la rivière pour accéder à la glace? Forts de notre expérience canadienne, on achète des sacs poubelle, en nous disant que ça fera l’affaire!
Le lendemain, on attaque. On traverse un petit bras de rivière avec notre accoutrement d’éboueur mais ensuite les choses se corsent. Le courant augmente tout comme la profondeur de l’eau. Heureusement j’ouvre les yeux et aperçoit une corde fixe, tendue au-dessus du cours d’eau! Cette fois la chance est avec nous! Ça doit être solide, aller, on essaie. Et en effet on arrive à traverser. À nous ces belles cascades. On commencera par Bridveil Falls, suivi de Onion direct et encore Keystone Greensteps.
Trois lignes majeures. Pouvoir les grimper seuls et être les premiers de la saison, voilà la raison de toutes ces aventures! Pendant cette semaine les conditions ont été exceptionnelles, la glace poussait à une vitesse incroyable tout en restant « sorbet », un rêve!
Merci à Ryan Sims pour avoir installer cette corde il y a quelques années déjà. Sans lui, pas de glace. Merci également à Auguste Franzen qui avec Ryan ont équipé la première longueur en mixte de Onion Direct. Ligne en super conditions cette année.
La neige arrivant, nous décidons de revenir sur Palmer avant d’être bloquer par la neige à Valdez. Sur le chemin du retour nous avons pu grimper un joli cigare qui donne la mesure de la vitesse de la formation de la glace durant une semaine.
Palmer est une petite ville de 6000 habitants. Elle est idéalement située pour beaucoup d’activités outdoor. Après une semaine de glace facile d’accès on repart pour quelques tentatives d’explorations plus hasardeuses. Malheureusement les rivières ne sont pas encore assez bien gelées. On décide quand même d’aller voir du côté de Knick Glacier.
L’accès classique se fait plus tard dans la saison lorsque la rivière et le lac glaciaire sont complètement gelés. Mais nous aimons, l’aventure donc nous partons vers l’inconnu à bord de notre buggy grand luxe! À bord le matériel de glace, un bateau pneumatique, des donuts et le chauffage. Avec ça, on ira jusqu’au bout du monde!
Après deux heures de piste, de gouilles pas trop gelées, de petites frayeurs, de gonfles de neige et tout ça sous la neige, on arrive enfin au bord de la rivière, en effet pas gelée. Mais pas de soucis, on gonfle le bateau pneumatique et on continue. La traversée se passe sans problème. Puis on commence à marcher. Le lac a bien gelé mais en couches successives. Parfois ça tient, parfois pas. Entre deux il y a un peu d’eau… On aperçoit de la glace, ouf. En fait c’est bien humide et pas très long…
La ligne est un peu courte, on décide d’aller voir plus loin. Après deux heures de marche, les pieds humides, on arrive sur le glacier. Toutes les lignes que nous avons aperçues n’étaient malheureusement pas vraiment en conditions. J’organise une moulinette bien déversante dans un sérac et on finit quand même par tirer sur les bras. Ça fait un sacré micmac pour si peu de glace mais l’aventure est unique et c’est aussi ce genre d’expérience qu’il faut aimer dans les voyages. Le retour en buggy est épique. On reste coincé une heure à creuser sous notre bolide qui s’est posé sur un tas de neige.
La date du retour approche. On va donc essayer d’assurer le coup pour faire un peu de glace. Nous retournons sur la route qui mène à Valdez dans Cariboo Creek. Dans ce coin il fait bien plus froid et tout au fond de la vallée il devrait y avoir quelques jolies lignes.
Deux heures quarante d’approche en faisant le trace, la rivière est bien gelée et recouverte de 20 centimètres de neige froide et ultralégère. Un plaisir de tracer! Par contre le froid est mordant, il doit faire moins 20°. On grimpe en doudoune et gros gants. Les débattues sont intenses et la glace cassante mais nous sommes heureux et bien fatigués!
Encore un jour de ski magique du côté de Hatcher Pass. Le soleil très bas toute la journée donne l’impression de skier au coucher du soleil avec des couleurs magiques. La neige est légère, pas de traces de vent, un régal. Nous finissons notre trip de très jolie façon!
Encore une fois, merci à Giuliano pour ta confiance et vivement la suite!