L’automne est une saison calme dans les Alpes pour les guides. L’occasion de nous reposer de la saison estivale, de passer du temps avec nos familles… et d’aller grimper à fond la caisse! Avec Émilie, ma femme, nous sommes partis au Maroc dans les fameuses gorges de Taghia. Cela faisait six ans que le topo de cette région trônait dans notre bibliothèque et nous faisait de l’oeil…
Taghia est un village berbère dans l’Atlas marocain. Il se rejoint depuis Marrakech en cinq à six heures de bus et deux heures et demi de marche. Une fois sur place, les habitants ont construit de super gîtes pour accueillir les grimpeurs. Sur place, la vie est d’une agréable simplicité: réveil plus ou moins tôt en fonction de la longueur de la voie projetée, escalade, retour pour un thé à la menthe, tajine, dodo et bis repetita le lendemain.
Notre première voie à Taghia (« L’allumeur du rêve berbère ») avec, derrière, nos amis Géraldine et Martin, également présents à Taghia cette année.
Je vous épargne le long récit de voyage jour après jour! J’ai sélectionné, parmi toutes celles que nous avons parcourues, trois voies que nous avons particulièrement appréciées et qui ont chacune une identité propre. Les informations ci-dessous ne sont que des compléments pratiques aux topos classiques (« Taghia, montagnes berbères » de Christian Ravier et toutes les pages dessinées et photocopiées disponibles dans les gîtes à Taghia), histoire de décrire le type de journées que nous avons vécues là-bas. Bonne grimpe!
Haben oder Sein
C’est une voie à l’homogénéité quasi parfaite dans le 6b et au rocher exceptionnel: certainement le plus sculpté et typique de la région. Nous avions entendu quelques commentaires au sujet de l’équipement de cette voie, réputé mal fait et dangereux. S’il est vrai que dans les zones faciles (6a) les points sont (très) éloignés, aucun passage n’est dangereux et tous les pas sont bien protégés. C’est du niveau 6b maximum, 6b obligatoire certes, mais sans mauvaise surprise. Ce serait une sacré erreur de rater cette perle de la région surtout qu’elle se situe ailleurs que dans les gorges, offrant aux grimpeurs une approche et une vue différentes des autres voies.
Vue sur le calcaire parfait de Haben oder sein.
Matériel: 14 dégaines, deux ou trois petits friends et une grande sangle pour faire le dernier relai sur bequet (spits démontés).
Approche: évidente depuis Taghia, traverser le pont en béton, suivre le chemin du Tire-Bouchon puis tirer à droite en direction du lit de la rivière de la cascade (au-dessus du secteur de moulinettes). La voie démarre à droite de la cascade, « HOS » et marqué au tamponnoir au pied. Attention, une nouvelle voie a été ouverte sur sa gauche.
Voie: 250m de 6b avec quelques sections plus faciles dans le 6a. L’ensemble est tellement beau!
Descente: du sommet, tirer en ascendance à gauche, traverser le lit asséché de la rivière, remonter de l’autre côté et suivre, à flanc et sans trop remonter, les cairns menant au fameux Tire-Bouchon. Le chemin est ensuite bien marqué jusqu’au village. De nuit, l’approche du Tire-Bouchon ne doit pas être évidente… Descente en rappel possible, sauf depuis le sommet de la dernière longueur.
La dernière longueur: d’anthologie…
Baraka
Voie exceptionnelle: 700 mètres d’escalade (dont les 300 premiers sont bien soutenus) sur un fabuleux pilier menant directement au sommet des l’Oujdad. Nous avons parcouru cet itinéraire avec nos amis Géraldine et Martin, également présents à Taghia. Une magnifique journée entre amis!
Émilie, heureuse, à la sortie de Baraka.
Matériel: corde à double de 50m (simple ok… mais pas de repli possible et une seule descente possible), 14 dégaines dont quelques longues, Camalots du 0.4 au 1, quelques coinceurs.
Approche: du village, monter au col rouge évident, puis continuer à gauche en ascendance jusqu’au pied des premières falaises. Suivre ces falaises, passer une zone d’escalade facile et rejoindre le pied de la face ouest de l’Oujdad qu’on suit jusqu’aux fameuses passerelles berbères. La voie (marquée au tamponnoir au pied) débute sur le fil du pilier, quelques dizaines de mètres après la fin de la passerelle.
Voie: les six premières longueurs sont bien plus soutenues que le reste. Ne pas se formaliser sur la difficulté et l’équipement de la première… la suite est plus cool, j’ai trouvé. Le 7b est très bien équipé. Le 6c de L6 est une oeuvre d’art: longueur, placement, équipement assez obligatoire,… Majeur! Clairement la longueur clef. La suite est toujours très jolie et demande de placer quelques protections.
Descente: nous avons entendu que certains grimpeurs redescendent une fois les six premières longueurs clefs effectuées… Même si c’est possible de le faire, quel dommage! La suite n’est pas si débonnaire et reste surtout très belle! Une fois au sommet, descendre les gradins versant est sans trop s’éloigner de l’arête sud-est. Après environ 200m de dénivelé, dans une zone moins raide, deux solutions. Soit continuer tout droit (pas de III, expo) jusqu’à une grande vire évidente permettant de rejoindre le col sud-est en tirant sur la droite. Soit repérer, sur la droite, des cairns qui vous amènent, via des vire horizontales parsemées de gros troncs d’arbre, vers un relais permettant de faire un rappel de 45m directement sur le col sud-est. De ce col, le plus aisé et le moins exposé est de faire une grande traversée sur la droite dans le « bol » pour rejoindre la sente de descente du Taoujdad. De là, droit dans la gorge jusqu’au village.
Vue sur le fameux 6c, raide et technique,…
Zebda
Si on s’intéresse uniquement à la beauté du rocher et aux spécificités techniques des longueurs, Zebda est sans aucun doute (et de loin!) la plus belle voie que nous ayons parcourue durant ce séjour.. Elle est raide, technique, continue et pourvue de sections incroyablement belles à grimper. L’équipement y est excellent, spécialement dans les deux 7b. La dernière longueur n’est pas à prendre à la légère…! Le hissage d’un sac est aisé et conseillé: grimper sans rien sur le dos est un atout dans cette face bien raide.
Relai peu confort, mais ambiance garantie.
Matériel: 14 dégaines (contrairement à la plupart des voies de Taghia, les coinceurs sont inutiles), corde à simple 50m et corde de hissage.
Approche: très courte depuis le village, le nom de la voie est peint au pied.
Voie: la première longueur réveille à froid! Ensuite, chaque longueur est exceptionnelle… C’est raide, sculpté, continu,… On a kiffé!
Descente: il est possible de descendre en rappel (dernier relai à aménager), mais si vous sortez la voie, le retour à pied et plus facile et bien plus joli: du dernier relais, suivre l’éperon sur la gauche sur quelques centaines de mètres puis, une fois que cet éperon se perd dans la grande vire, suivre cette dernière (direction nord-est) et suivre les cairn qui tirent en descendant sur la gauche (plusieurs possibilités). Ensuite par un chemin bien marqué vers le village.
Le deuxième 7b de Zebda.
On a déjà prévu de retourner à Taghia: il y a encore tellement de lignes qui nous ont fait de l’oeil! Merci à Saïd pour son accueil, à Géraldine et Martin pour les chouettes moments passés ensemble et à tous les grimpeurs présents pour leur amitié, leurs conseils et leur passion.
Nos hôtes, avec qui nous avons passé de bien beaux moments! « Haben oder sein » est la ligne au-dessus de la tête de Saïd (pull rouge)!
Belle suite d’automne à tous!