Trente ans ! Il y a 30 ans, nous partions vers l’Aconcagua, le géant Andin. Nous étions 2 groupes. Chacun composés de 2 guides et d’une dizaine de jeunes. Une vraie colonie de vacances avec un objectif audacieux culminant à presque 7000 mètres. Les plus jeunes participants avaient juste 17 ans. Une expérience unique !
Expérience unique, fort heureusement, j’aurais envie d’écrire ! Au retour de ce voyage exceptionnel, nous avons été reçu à l’aéroport de Cointrin, par une haie de parents, fières et heureux de retrouver leurs enfants… A ce moment précis j’ai perçu l’ampleur du projet :
Des ados à 7000 mètres ! Avons-nous joué d’une chance incroyable ou d’un puissant culot ?
Le projet était d’une simplicité déconcertante : Un dossier présenté aux jeunes des sections des club alpins de Genève et Carouge. Une inscription une année à l’avance pour avoir le temps de se préparer et d’intégrer deux “tâches” obligatoires à chaque participant. L’une d’elles, était d’apprendre les bases de l’espagnol et la seconde résidait dans l’aide à l’organisation de l’expédition.
Un projet du même acabit prenait naissance à Lausanne, sous la direction de deux autres guides de montagne. Nous nous sommes retrouvés tous ensemble à Mendoza, lors de la montée au camp de base.
10 décembre 2025, il est passé 20h00 et pratiquement tous les acteurs du périple de 1995 sont autour de la table. Magique ! Sur l’impulsion d’une partie de l’équipe, nous nous retrouvons 30 ans plus tard ! Isabelle, Claire-Lise, Joël, Pascal, Marc, Nicolas, Gil, Vincent sont là ! Il manque à l’appel, Jean-Marie, Raphaël et Fanny.
Retour au voyage en question. Nous avions demandé aux participants de “négocier” leurs retour tardif en cours, lors de la rentrée du mois de janvier 1996. Pour cause, nous étions encore sur les pentes de l’Aconcagua quand les cours reprenaient. A l’époque, pour un projet de ce genre, les établissements scolaires encourageaient plutôt que d’amender…
Noël et Nouvel-an sur les pentes du géant andin. Un souvenir hors du temps pour ces andinistes fraîchement élus. Quant à moi, j’entamais, sans trop le savoir, une longue série “d’Aconcaguas” pour la décennie qui allait suivre. Celui des jeunes et de 1995 aura été la 3ème de mes 20 expéditions dans ce parc national. Certains souvenirs de ce séjour sont puissamment gravés à jamais, comme ce dernier ;
4 heures de bataille de boules de neige suivit de 4 heures de réparations des tentes et autres affaires endommagées. Certainement l’une des plus puissantes “guerra de nieve” que les gardes parques auront vécu à Plaza de Mulas, camp de base de la voie normale.
1995-96 : Une saison relativement compliquée sur cette montagne que j’apprends à apprivoiser. La neige est fréquente, le froid est perçant, les jeunes restent souriants et d’une motivation inébranlable. L’acclimatation se réalise entre les petits sommets alentour, comme le Cerro Bonete et les journées à vagabonder entre les pénitents sous le glacier du Cuerno. A l’époque nous avions le droit d’y aller et surtout, il y avait un glacier… Les visites à l’hôtel du camp de base nous servaient de source de motivation pour les faire bouger. Douche, ping-pong et lomo comme monnaie courante.
Avec l’aide constante des jeunes, nous avons installés le camp d’altitude à Nido de Condores. Nous avions imposé une nuit minimum comme acclimatation. Ainsi les jeunes apprenaient tranquillement à se connaître en haute altitude. La neige était encore et toujours là accompagnée d’un froid mordant. L’Aconcagua ne se laisse pas attendrir par la jeunesse montante !
Le jour de l’ascension approche, les jeunes sont tous en forme, il y a surpopulation dans le camp d’altitude. Il manque réellement des places dans les tentes. De ce fait, Jean-Marie et Nicolas, montent dormir avec les jeunes à Nido.
Avec Thierry, nous partirons à 0h30 du camp de base et rejoignons l’équipe au petit déjeuner à Nido. Il est 4h00 du matin. Le froid est terrifiant, nous découpons littéralement les tapis de sol en mousse pour en faire des semelles d’isolation entre les crampons et les chaussures des jeunes ! Une idée qui se révéla être de génie !
Le sommet atteint, les jeunes de retour au camp de base sans aucune gelure, aucun accident, cela relève vraiment de la magie ! Mais la dernière étape est encore devant nous : La soirée à Mendoza, avec 15 jeunes de 17 à 22 ans, qui courent dans tous les bars du coin, les boîtes avec de la bonne musique et les parcs. Mendoza c’est énorme comme ville… J’en ai pas dormi jusqu’à les voir tous au petit déjeuner, le lendemain, dans le patio de l’hôtel Zamora. Même un des guides n’était pas forcément présent avant la matinée.
10 décembre 2025, les souvenirs jaillissent des différents discours de chacun. Tous, sans aucune exception ont le sourire radieux et posent des mots puissants sur des souvenirs qui paraissent totalement hors du temps. Je ne pense pas qu’il serait facile, actuellement, de monter un tel projet avec des jeunes.
Aconcagua, ultime passage le 14 décembre 2024 avec Fernand. Il y a tout juste une année.
Un témoignage 30 ans après l’aventure. Quel bonheur de lire ces lignes, Merci Gil 🙂
Je ne sais pas si nous vous avions remercié, lors de notre retour en Suisse. Il n’est jamais trop tard pour bien faire : Merci les jeunes, c’était juste EXCEPTIONNEL !