C’est drôle, on grimpe ensemble avec nos clients… mais quand il s’agit d’en faire un récit, les guides se retrouvent seuls devant leur clavier, souvent atteints du « syndrôme de la page blanche »! Alors, pour décrire ce magnifique voyage, parole est donnée à Sophie!
Les mots de Sophie sont en ocre, comme le rocher jordanien. Je m’incrusterai de temps en temps pour vous proposer un ou deux topos ou conseils…
« La Jordanie, ça me plairait bien cette année ! » Un peu comme une enfant gâtée, depuis 3 ans, je demande à Yann de m’organiser mes vacances ! Ce fut d’abord les Lofoten, puis la Corse. Cette fois, des amis chers m’ont donné l’envie de vivre ce complet dépaysement : le désert du Wadi Rum. Si je lance des destinations de façon désinvolte, c’est avec une certaine inconscience. Ou plutôt avec la conscience que toutes les responsabilités et tout l’engagement ne reposent pas sur mes propres épaules…
Ma responsabilité à moi, c’est déjà d’arriver en forme. Et cette année, manque de bol : déchirure totale d’une poulie à dix jours du départ. Coup dur ! J’avais le moral tellement dans les chaussettes que dès que le feu vert a malgré tout été donné, tout a pris un goût de perfection et de bonheur total !
Après un voyage fatiguant de nuit, on arrive dans le Wadi Rum en matinée. Ce désert et ces montagnes ocres nous crèvent alors les yeux, c’est un délire de beauté. Pour cette première journée, on fait cinq heures de rando ! Une boucle dans le massif du Jebel Um, aller par Rakabah Canyon et retour par Zernouk el Daber. Belle façon de découvrir et de sentir le rocher, la texture de ce sable aggloméré, tout aussi étonnant que friable…
Les jours qui suivent, c’est une valse de voies incroyables. Yann met une attention particulière à faire en sorte que nous parcourions le Wadi Rum de façon ludique et variée. Merlin, Rain in the Desert, The Star of Abu Judaidah, Inferno, sommet du Jebel Rum, Jebel Khazali, The Beauty…
Après avoir grimpé Merlin, on a encore faim, alors on se jette sur « Rain in The Desert », une magnifique ligne évidente, mais moins parcourue que ses voisines. En lisant le topo-« bible » de Tony Howard, je prévoyais une descente rapide et facile… petit débutant du Wadi Rum que je suis! On finira, juste à la tombée de la nuit, par un rappel qui nous pose devant le bivouac du soir où Ali nous attend avec le thé et le souper…
En-bas de cette page, vous trouverez un petit topo que je me suis amusé à dessiner de la descente de Rain in The Desert!
Le septième jour de notre voyage, nous avons fait la traversée du Jebel Rum en montant par Sabbah’s route et en redescendant par la classique Hammad’s route. Peut-être notre coup de coeur du séjour! Pourtant, c’est le moins « grimpant »…
La ligne générale demande un peu de « flair »! Alors je vous facilite la tâche en cas de rhume: j’ai rédigé un petit topo écrit, que vous trouverez en-bas de l’article.
Sabbah’s route est un itinéraire bédouin fantastique: un paysage à couper le souffle, un tracé astucieux, des longueurs de grimpe faciles mais magnifiques et un équipement intelligent.
The Beauty est également une ligne à ne pas louper… Elle est courte, alors elle se prête à merveille à une demi-journée. L’accès par l’Est du massif du Jebel Um via Rakabah Canyon est bien plus rapide et aisé à trouver que depuis le village de Wadi. Pour la dernière longueur, deux C4 #5 sont recommandés… Le grand dièdre protège la voie du soleil jusqu’à tard dans la journée. Parce qu’à la période où nous avons grimpé (fin octobre), seules les voies à l’ombre étaient grimpables.
Notre hôte Bédouin Ali nous loge au village, mais suivant les demandes de Yann, nous dormons également en bivouac dans le désert ou dans son camp bédouin. De belles façons de vivre le Wadi Rum, avec le coeur !
Bien-sûr, nous voulions voir Petra ! Pendant notre « jour de repos » (!), nous découvrons avec émotions cette merveille du monde. C’est une ville construite six siècles avant notre ère par les Nabatéens, des commerçants et diplomates redoutables… Cet ensemble architectural hétéroclite et taillé dans la roche est une œuvre unique.
Pour terminer notre périple, tout en prenant la direction de l’aéroport, nous faisons un petit plouf dans la Mer Morte et visitons Amman une journée durant. Quel voyage!
Mes remerciements vont à mon guide, Yann, qui fait preuve de tant d’engagement et prend tant de responsabilités pour me faire vivre ces moments d’exception. Rien ne devait nous arriver dans ces contrées lointaines ; son professionnalisme m’a permis de revenir heureuse de découvertes et comblée de vivre l’escalade aussi passionnément.
Un immense merci également à Rémi Thivel et Simon Destombes, tous deux grands spécialistes du Wadi Rum, pour leurs généreux conseils. C’est agréable de collaborer ainsi entre professionnels. Bonne suite de grimpe à vous! Et bon vélo Rémi 😉
Le Wadi Rum convient à tous les types de grimpeurs! Il y a beaucoup de voies faciles et les voies bédouines sont extraordinaires… Alors faites signe si cela vous tente: j’organise un nouveau voyage avec grand plaisir!
Topo de la descente de Rain in The Desert
Topo de Sabbah’s route au Jebel Rum
Itinéraire: De la dépose 4X4, remonter le grand pierrier orange à droite (donc rive gauche) du canyon évident (très cairné, chemin) jusqu’à une bande de rocher noire évidente qu’on suit sur la gauche jusqu’au fil de l’arête bordant le canyon (plat en graviers). Suivre, sur la gauche du fil, les cairns qui montent, en ne restant pas loin de l’arête. La ligne générale jusqu’en haut (jusqu’à la traversée clef) suit d’ailleurs cette logique: rester toujours le plus haut possible, toujours haut sur la rive gauche du canyon. Finir quasiment sur le fil avant la première longueur grimpante: un mur à trous, assurage sur lunule en haut. Poursuivre en ascendance à gauche (petit ressaut de deux mètres), cairns, jusqu’à une dalle, grimpante mais facile, de 40m. Suivre alors la longe et large vire, sans monter (cairns), jusqu’au bout de celle-ci. Repérer une première broche, en ascendance à gauche. Grimper jusqu’à une autre broche, sur une étroite vire qui part sur la gauche. Suivre cette vire (corde courte) qui va buter vers une magnifique mur à trous (broches visibles). Grimper ce mur d’environ 40m jusqu’à une broche pour assurer le second et poursuivre facilement environ 50m jusqu’à une place de bivouac sous un petit dévers (inscription en arabe) et une grande plaque rectangulaire noire en haut à droite. D’ici, continuer en ascendance à gauche sur des grandes dalles raides et lisses (assurage difficile, corde courte, tout petits cairns) jusqu’à une vire qui vous amène à l’horizontale vers un petit ressaut très raide mais facile (arbre au pied). Passer ce ressaut, continuer sur la vire quelques mètres jusqu’à un gros arbre au pied d’un dièdre (broche dans le dièdre sur la droite deux mètres plus haut). Remonter ce ressaut de dièdre (broche à l’arrivée) et poursuivre en légère ascendance à droite sur des dômes (au plus facile) jusqu’à une broche marquant le début de la traversée clef (traversée sur la droite). Faire cette traversée, soit en deux longueurs de 30m ou en une de 60m. À la sortie remonter la droite du canyon qui part à votre gauche sur une vire suspendue (marche pied puis sangle pour un passage raide) puis, lorsqu’elle la vire disparait repartir à droite pour rejoindre le fil d’une série de dômes. Rester ensuite sur cette succession de dômes en direction de l’Est (adhérence, parfois quelques pas d’escalade), parfois en faisant de petits détours pour éviter des difficultés mais en restant globalement sur le « fil ». Ne pas descendre dans le grand canyon en-bas à droite (cairns trompeurs). Dès que cette « arête Est des dômes » ne peut plus être suivie (elle redescend!), prendre plein Nord jusqu’au sommet 🇯🇴! Matériel: Une corde de 50m (la descente par Hammad’s route est équipée pour des rappels de 25m), quelques friends (C4 # 0.5, 0.75, 1 et 2), six dégaines, quelques mousquetons à vis, casque et bonnes chaussures. Descente: Descendre par Hammad’s route vous permet de faire la traversée complète du massif, c’est la classe! Beaucoup de topos ont été fait de cette descente. Attention au dessin du livre d’Arnaud Petit (« Parois de légende), il est trompeur à un endroit (le reste est parfait): à la sortie du siq, il faut bien tirer sur la vire à droite (cairns) pour prendre pied sur l’éperon qui sépare deux canyons et non pas descendre à gauche dans le large canyon (qui est la suite hydrologique du siq). Des rappels de 25 mètres sur broches ont été équipés dans le canyon de droite (là ou il est écrit « ne pas descendre directement » dans le topo d’Arnaud Petit). Sinon, suivre l’arête/éperon évident et rejoindre le canyon de droite par quelques rappels de 30 et 50 mètres.